Dans la saligue de gave de Pau (Pyrénées-Atlantiques) à 110 m d'Altitude, la migration du Balbuzard peut s'étendre jusque dans la troisième décade d'octobre et débuté la première de mars. Or pendant l'hiver 1985-86, j'ai observé deux fois un Balbuzard sur le lac d'Artix le 21.12.85 et le 16.2.86 avec une proie, l'observation du 29.3.86 pouvais être un migrateur.
L'hiver suivant, l'observation d'un adulte le 7.11.86, concernait-elle rncore un migrateur ? Mais le deux autres du 19.1.87 avec deux individus et du 21.1.87 (un) nous a confirmé l'hivernage. En 1987-88, "nous" avons vu (car l'information a suscité plus d'attention) un ind le 7.11 qui avait une proie dans les serres ; le 28.12.87, un adulte toujours aux alentours du lac d'Artix, mais aussi le 10.1.88 sur un lac à 10 km de celui-ci.
En 1988-89, J'eus moins de chance : le 19.11.88 et le 25.2.89 pouvaient se référer à des migrateurs extrêmes, bien que j'en doute vu les circonstances.
En 1989-90 enfin, nos efforts de prospection ont été récompensés : j'ai découvert le site d'hivernage du Balbuzard dans une coupe de bois où les vieux arbres morts ont été laissés sur pied, en bordure du gave de Pau. A cet endroit, un petit barrage traverse la rivière, ce qui permet au rapace de pêcher dans l'étendu d'eau en amont. Ce "Balbu" a été l'objet de nombreuses visites des ornithologues locaux et de la région Aquitaine.
Mes premières observations sur le site débuté fin septembre : un adulte avec proie le 25.9.89 et encore le 30. Puis les rencontres se sont répétées régulièrement les 7 et 29 octobre ; les 4 et 8 novembre ; les 12, 23, 29, 30 et 31 décembre ; les 5, 13 et 20 janvier 1990 ; les 10 et 24 février ; les 10, 17 et 20 mars. L'installation sur le site a donc été constante de septembre à mars.
Pendant de nombreuses sorties d'observation, nous avons vu l'oiseau manger son poisson dans ce secteur restreint (200 m de côté) et nous avons été surpris par le peu d'activité de sa part : cinq reposoirs (arbres morts) et toujours la même zone de pêche, peu de vols sinon pour pêcher... et la présence manifestement intéressée d'une dizaine de Corneilles noires à ses côtés. Vu la distance, nous n'avons pas d'information sur leurs activités au sol. Seul M. Duplaa a observé en mars deux Milans noirs qui se comportaient en parasites envers le Balbuzard.
De cette série d'observations réparties sur cinq hivers, il résulte que le gave de Pau et les eaux voisines ont retenu assez régulièrement un Balbuzard (et une fois deux ensemble, Grangé) en hivernage. Est-ce toujours le même ? Si nous n'avons aucune certitude à cet égard, la répétition de cette présence le suggère puisque des observations fort distantes l'une de l'autre ont été relevées. Nous nous interrogeons d'autant plus sur son tempérament casanier...
Le séjour hivernal de l'espèce dans le Sud-Ouest de la France peut surprendre, puisque les populations européennes de ce rapace quittent en principe notre continent pour passer l'hiver en Afrique, à l'exception de certains individus qui reste en Méditerranée. Néanmoins, des présences en périodes hivernales ont été signalées sporadiquement en Europe centrale, dans le Sud de l'Angleterre et l'ouest de la Baltique ; la plupart de ces apparitions relativement rares ne sont pas des hivernages complets (1,2). Dans ce contexte, nos observations d'Aquitaine méritent donc l'attention ; celles de l'hiver dernier attestent en tout cas qu'un hivernant peut se cantonner assez discrètement.Si d'autre cas analogues ont été observés, je serais heureux d'en avoir communication.
Je tiens à remercier ici pour leur longue attente et surtout pour m'avoir confié leurs observations : MM. Ducron, Duplaa, Grangé, Haffner, Pisu, et la famille Spring ; ainsi que P. Géroudet de ses critiques constructives.
Références. - 1 Cramp S et al, (1980), the Birds of the Western Paleactic. Vol II Oxford University Press. - 2. Glutz von Blotzhiem, U.N., Bauer K.M. & Bezzel E. (1971). Handbuch der Vögel Mitteleuropas B.4 Akademische Verlagsgesellschaft, Frankfurt am Main.
Andréas Guyot, 7 rue Jules Verne, F-64000 Pau.
Nos oiseaux, 40: 373-374 (1990)