dimanche 25 décembre 1994

Elanion blanc; Nouvel atlas des oiseaux nicheurs de France. 1985-1989.

 Elanion blanc ou Elanion blac, Eleanus caeruleus. 
Par Andréas Guyot.

Mondialement, cet oiseau a une très vaste répartition africaine et asiatique, en quatre sous-espèce, du sud de l'Arabie et depuis le Bélouchistan, jusqu'au sud de la Chine, les philippines, l'île de la Sonde, Célèbes et la Nouvelle-Guinée, (Hüe et Etchecopar, 1970). Dans le Paléarctique occidental, l'Elanion blanc a deux distributions: l'une en Afrique du Nord, se prolongeant au centre-ouest de la péninsule Ibérique, l'autre, dans la vallée du Nil (Etchecopar, et Hüe, 1964).

Quoique de tendance sédentaire en règle générale, l'Elanion se livre à des excursions le plus souvent individuelles et bien au delà des limites de sa répartition comme en témoignent les observations en Europe occidentale et moyenne relevées par Géroudet (In Berthoud et al. 1990): 9 de la Belgique à la Pologne de 1928 à 1987, 3 en 1990 en Suisse et en France limitrophe, ainsi que quelques unes en Italie, Grèce, Turquie, Chypre ou Liban.

La première donnée de nidification de l'Elanion au Portugal date seulement de 1864 (Collar, 1978). Une expansion de l'aire de nidification de l'espèce déborde maintenant sur le nord des Pyrénées, en Aquitaine, où une reproduction a réussi en 1990. Faut-il voir dans cette progression une conséquence du réchauffement climatique, de cet "effet de serre" dont on parle beaucoup ? C'est une hypothèse à considérer, certes, et cette progression vers le nord pourrait être associé au même phénomène d'expansion dans cette direction de l'aire de nidification (ou d'hivernage) observé pour d'autres espèces (Héron garde-bœufs, Mouette mélanocéphale, guêpier, cisticole, etc). Une autre hypothèse serait que l'Elanion aurait peut-être pu passer inaperçu des ornithologues (l'oiseau aurait porté un nom local, selon des récits oraux datant du début de ce siècle).  

Quoi qu'il en soit, l'oiseau est très discret, malgré sa couleur claire, presque argentée, vu de dessous; son installation en France aurait donc très bien pu ne pas être observée plus tôt. Il est indéniable, par exemple que sa présence en Espagne était sous-estimée. Nous y connaissons en effet, que 5 couples en 1975 (Suetens et Groenendael, 1977), alors qu'une estimation de 130 couples fut faite en 1989, Or, il est vraiment peu probable qu'il y ait eu une si rapide expansion de l'espèce en moins de 15 ans, même si quelques individus ont été observés traversant, vers le nord, le détroit de Gibraltar (Bergier, 1987). 

L'Elanion blanc est entré, avec certitude, au début du XIXe siècle dans l'avifaune de France, au titre de visiteur accidentel. En 1830, il fut capturé en mai près de Nîmes, le même mois près de Cassel, et fut tiré le 1er septembre 1841 près de Dieppe. Dans ses commentaires sur l'ornithologie française, Mayaud (1939) estimait douteuses des captures rapportées à la fin du XIXe siècle en Côte-d'Or ainsi que l'origine d'un spécimen provenir des Vosges. Toujours est-il que nous avons aucune information concernant un oiseau resté vivant au XIXe siècle !

Malgré quelques rares observations à partir de 1973, (Crau, Dombes, Lot-et-Garonne), c'est réellement en 1983 que débute l'histoire de la nidification de l'Elanoin blanc en France. Depuis quelques années, le sud-est de l'Aquitaine, proche des Pyrénées les plus occidentales, promettait l'installation de ce petit rapace. le 21 juin 1983, A Papacostia, lors d'une étude d'impact d'un chantier, découvrit un couple d'Elanions dont les accouplements et la construction d'un nid laissèrent espérer la reproduction. Ces oiseaux furent encore observés, non loin de là, en octobre (Papacotsia et Petit, 1984), sans que l'on sache depuis combien de temps ils y étaient présents. En 1985 et 1986, au moins un individu séjourna encore au même endroit, avec un comportement territorial, jusqu'en mars ou au début d'avril (archives du CROAP). Par la suite, aucun oiseau n'y fut plus observé, Jusqu'en décembre 1988 où apparut un individu : ultérieurement, un couple occupant un territoire y fut observé en août 1989, puis un oiseau (peut-être 2) le 4 décembre de la même année (archives du CROAP). C'est enfin à partir du 22 février 1990, qu'un découvert en ce même lieu par Pommies (1990), a été régulièrement suivi, jusqu'aux premiers vols des ses 4 jeunes au début de septembre (Guyot, 1990). Au cours des deux années suivantes , sur ce même site et un autre distant de quelques dizaines de kilomètres (où un couple harcelant corneilles et crécerelles avait déjà été noté en mai 1987), des nidifications ont été signalées, avec reproduction probable en 1991 (2 adultes et 3 jeunes observés le 1er octobre) et suivie d'échec en 1992, vraisemblablement à cause des mauvaises conditions météorologiques. 

En définitive, en consultant toutes les observations de l'espèce faites en Aquitaine de 1983 à 1992 (archives du CROAP), ce sont trois sites, répartis sur deux secteurs I.G.N., qui ont vu des cantonnements de l'Elanion blanc, avec des reproductions tentées ou menées à terme avec plus ou moins de succès. 

L'oiseau a des mœurs plutôt crépusculaires, avec la particularité de se poser toujours à découvert pour la chasse au guet, à la cime soit d'un pin, soit d'un poteau électrique, voire sur un fil, et cela quelque soit la saison. Si en période normale, il se perche dès 3 heures avant le coucher du soleil, pendant la nidification. Il devient actif dès 5 heures avant le coucher du soleil, mais dès le lever du jour. Aux heures les plus chaudes de la journée, l'oiseau est à l'ombre et immobile dans un arbre.

L'habitat de l'Elanion blanc est sélectif, ne comprenant que des milieux ouverts, avec des arbres clairsemés, telle la savane arborée africaine. En aquitaine, l'oiseau s'est installé dans une zone de culture, principalement de maïs, de petite et moyenne superficies, séparées par des lambeaux de landes et des bosquets de pins et de feuillus, présentant quelques haies ou arbres isolés (Boutet et Petit, 1987). Il a niché que dans des pins maritimes, malgré la présence de quelques chênes pédonculés à proximité. L'aire du couple, dont la reproduction réussit en 1990, était construite sur la cime fourchue d'un pin, à environ 8 m du sol (Duplaa, 1990).

La ponte a lieu généralement, dans les régions de la Méditerranée occidentale, entre la fin de mars et le début d'avril (Cramp, 1979), période correspondant aux couveuses observées le 20 avril et le 8 mai 1992 sur les sites aquitains : toutefois, la nidification réussie de 1990 n'a débuté qu'au début juin. La ponte est de 3 ou 4 oeufs ; l'éclosion, asynchrone, intervient après une incubation de 25 à 27 jours assuré par le couple. Les jeunes sont nourris au nid puis dans les alentours pendant 50 jours environ, car s'ils volent vers l'âge de 30 à 35 jours, il restent encore quelque temps dépendants de leurs parents.

En Aquitaine, le régime alimentaire des Elanions se compose à 86% de micromammifères et seulement de 14% d'oiseaux (Mermod et Aubry, 1990. De gros insectes font partie de leur régime dans d'autres milieux.

L'Elanion ne semble pas quitter ses lieux de nidification Aquitains, même au plus fort de l'hiver. Que penser des oiseaux isolés et observés en migration, à travers les Pyrénées, le 9 août 1988, au col de Lindux (Dubois et C.H.N., 1989), le 24 octobre 1989 à Eyne (Dubois et C.H.N., 1991), le 6 octobre 1990 au col du Soulor (Grangé, 1991)? Serait-ce des jeunes qui effectuent des mouvements migratoires ? Il serait intéressant de suivre la période postnuptiale sur les sites de reproduction d'Aquitaine, car des individus notés comme jeunes y ont été observés à la fin d'octobre, et même en décembre (archives du CROAP), à une époque, pourtant, ou le dimorphisme entre jeunes et adultes est difficilement perceptible.

L'uniformisation des milieux agricoles n'est pas un facteur d'espérance pour l'espèce, les îlots clairsemés d'arbres dans les cultures sont en effet souvent abattus pour permettre des meilleurs rendements. Par ailleurs, la baisse de l'élevage fait place à une maïsiculture qui laisse de moins en moins de prairies, qui sont essentiellement les terrains de chasse de l'espèce. 

Page: 158-159. Andréas Guyot. 

Références
Bergier. P. (1987).- Les rapaces diurnes du Maroc. statut. Répartition. Ecologie. Annales du C.E.E.P. (ex-C.R.O.P.), n°3, Aix-en-Provence, 160 p.

Berthoud, J-R., Stern, C., Calame, F. et Géroudet, P. (1990).- Premières apparitions de l'Elanion blanc en Suisse et en zone limitrophe. Nos oiseaux, 40: 479-483.

Collar, N-J. (1978).- Nesting of Black-Shouldered Kites in Portugal. Brit. Birds, 71: 398-412.

Dubois, P-J. et Comité d'homologation National (1989),- Les observations d'espèces soumises à homologation en France en 1988. Alauda, 57: 263-294.
en 1989, Alauda, 59: 225-247.

Duplaa, J. (1990),- l'Elanion blanc et son milieu en Aquitaine. La Bergeronnette, 4: 12-15. 

Grangé, J.-L. (1991),- Observation d'un Elanion blanc Elanus caerulus au col du Soulor (Hautes-Pyrénées). La Bergeronnette, 5: 15.

Guyot, A. (1990),- Première nidification réussi en france de l'Elanion blanc (Elanus caeruleus). Nos Oiseaux. 40: 465-477.

Mayaud, N. (1939).- Commentaire sur l'ornithologie française (suite). Alauda, 11: 68-87.

Mermod, C. et Aubry, S. (1990).- Etude du régime alimentaire des Elanions blancs en Aquitaine. La Bergeronnette, 4: 9-11.

Papacotsia, A. et Petit, P. (1984).- Présence d'un couple d'Elanion blanc en Aquitaine. Le Courbageot, 10: 19-20.

Pommies, S. (1990).- L'Elanion blanc dans les Pyrénées-Atlantiques. La Bergeronnette, 4: 2-4.

Suetens, W. et Groenendael, P. (1977).- Nidification de l'Elanoin blanc en Espagne. Gerfaut, 67: 54-72.
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Dosithée Yeatman-Berthelot et Guy Jarry. Société Ornithologique de France.
55 rue de Buffon - Paris 75005. (1994).

lundi 13 juin 1994

Note complémentaire sur l'hivernage du Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) au Gave de Pau, Pyrénées-Atlantiques.

Depuis les premières observations hivernales de 1985-86 et l'hivernage complet, d'un individu en 1989-90 (cf ma note précédente dans Nos Oiseaux 40:373-74, 1990), le Balbuzard est revenu régulièrement sur la saligue du Gave de Pau. En 1990-91, il fut présent dès le 19 août; en 1991 je le découvris déjà le 17 août, l'année suivante le 19 août. En 1993 enfin, il a pu arriver avant le 22 août, date de mon premier contrôle sur le site.
Chaque fois, la présence a duré tout l'hiver, au moins pour deux oiseaux, soit une femelle dans le lien déjà décris et un mâle 3 km en aval. Nous en avons même repéré 3 le 28 décembre, et de nouveau 3 le 28 décembre 1992 !
Le suivi n'a été effectif qu'à partir du moment (29 octobre 1989) où nous avons localisé avec précision les reposoirs fréquentés de préférence. Ce sont toujours des arbres morts étêtés se dressant à proximité du plan d'eau, l'oiseau s'y perche au sommet d'une branche verticale. La femelle fait preuve d'une remarquable fidélité à son poste habituel, tandis que le mâle s'est avéré beaucoup moins prévisible. Toujours est-il que la ponctualité relativement précoce de la première observation peu après mi-août et l'accroissement à deux, voir trois oiseaux, mérite d'être relevé pur cet hivernage devenu traditionnel depuis au moins 9 ans. 
Il nous parait donc vraisemblable qu'il s'agit des mêmes oiseaux. leur origine reste complètement inconnue; toutefois, du moment que le Balbuzard niche de nouveau depuis 1985 en France continentale, où 3 ou 4 couples au moins se sont cantonnés ces dernières années (dont 2 ont élevés des jeunes en 1992 et 1993, d'après le rapport du F.I.R, n° 24, - on peut se demander si quelques hivernants du Sud-Ouest n'appartiennent pas à la petite population française...

A tout hasard, nous avons fait installer une plateforme sur un pylône de la ligne électrique, sur un modèle illustré dans la revue du F.I.R (n°18, p, 13), dans l'espoir d'une éventuelle nidification. Si ce dispositif a été un succès en Allemagne orientale, notre initiative n'a pas encore eu de résultat; mais il est permis de rêver.... D'autre part, nous sommes préoccupés par l'avenir des reposoirs, car plusieurs arbres morts sont déjà tombés au site d'hivernage de la femelle, Peut-être poteaux pourraient-ils les remplacer et mieux garantir la pérennité, la tranquillité et la sécurité de nos Balbuzards pêcheurs. 
Andréas Guyot
7 rue Jules-Verne
F-64000 Pau
Ref: Nos oiseaux, 42:358 (1994).